La biodiversité est beaucoup moins médiatique que le changement climatique

Tel est le résultat d’une récente étude portant sur les informations scientifiques relayées par la presse écrite de référence, américaine, canadienne et britannique, en langue anglaise et sur une période de 25 ans (1991-2016). Près de 200 000 articles en provenance de 12 titres (tels que The Washington Post, The Times ou National Post) ont ainsi été recensés à partir de la base Factiva et analysés. Partant du postulat que la prise de conscience du public est essentielle en matière environnementale pour la décision politique et l’adoption de nouveaux comportements, les chercheurs ont identifié la presse comme un relais d’information important. Ils ont donc comparé les fonds publics alloués à la recherche dans les domaines du changement climatique et de la biodiversité, le nombre de publications scientifiques et celui des articles de presse traitant ces sujets.

Le résultat est significatif et l’écart s’amplifie tout au long de la période examinée : avec des fonds engagés deux fois et demi plus importants, des publications scientifiques deux fois plus nombreuses, l’exposition médiatique du changement climatique est, en moyenne sur la période, plus de trois fois supérieure à celle de la biodiversité. L’écart est même de 8 pour 1 sur la dernière année d’analyse, en 2016. Les auteurs identifient une rupture à partir de l’année 2000 : alors que, jusqu’à cette date, le nombre d’articles de presse était corrélé à la fois au financement de la recherche et à l’intensité de l’activité de recherche, ce n’est plus le cas depuis pour la biodiversité. Ainsi, en dépit de fonds publics alloués et d’un nombre de publications scientifiques en hausse sensible sur la période, ce sujet n’a pas été plus évoqué dans la presse.

Exposition médiatique comparée des thématiques « changement climatique » et « biodiversité » dans la presse écrite de langue anglaise aux États-Unis, Canada et Royaume-Uni

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Source : Frontiers in Ecology and Evolution

Au-delà du constat, les auteurs tentent de mettre au jour les causes de ce faible intérêt. Ils avancent plusieurs hypothèses, comme la structuration des communautés internationales de chercheurs, plus récente pour l’IPBES que pour le GIEC, ou la difficulté de trouver un message simple et frappant. Les auteurs identifient également les nombreuses controverses climatiques comme moteur efficace de médiatisation. Enfin, le caractère souvent local des atteintes à la biodiversité rend plus complexe leur relais à un niveau national, voire international.

En matière de communication vers le grand public, les auteurs recommandent par conséquent de s’appuyer sur l’expérience du GIEC, basée sur les résultats de la recherche, mais également de développer les actions de science participative, qui resserrent les liens entre la recherche et la société.

Muriel Mahé, Centre d’études et de prospective

Source : Frontiers in Ecology and Evolution