Campagnes contemporaines. Enjeux économiques et sociaux des espaces ruraux français, Stéphane Blancard, Cécile Détang-Dessendre, Nicolas Renahy (coord.)

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En raison du puissant héritage rural de la société française, nos campagnes bénéficient d’une attention particulière et d’une solide tradition de recherche. Leurs évolutions sont suivies de près par de nombreux spécialistes, tels ceux du Centre d’économie et de sociologie appliquées à l’agriculture et aux espaces ruraux (CESAER-Inra) de Dijon, qui publient régulièrement (1998, 2002, 2009) des ouvrages collectifs faisant le point sur les connaissances acquises. Ce quatrième opus, associant sociologues, géographes et économistes, présente un large panorama d’analyses (réflexions théoriques, monographies de terrain, typologies, statistiques) et d’objets d’étude : population et modes de vie, mobilité, activités productives, monde agricole, institutions et politiques publiques, foncier, environnement, etc. En une douzaine de chapitres courts mais précis et informés, les auteurs dégagent les grandes dynamiques à l’œuvre, loin des visions trop souvent catastrophistes ou bucoliques attachées à ces espaces pudiquement dits de « faible densité ».

Très intéressante est la recherche quantitative de S. Legras, sur les déterminants de la localisation résidentielle des ménages. Elle montre que le « paysage vu depuis la maison » est, en complément du degré d’accessibilité aux services publics et à l’emploi, un exemple typique de bien commun environnemental contribuant à fixer le prix de l’immobilier. Elle décrit aussi l’impact direct du climat, qui défavorise les implantations plus coûteuses en termes de temps, d’argent ou de fatigue (« effet verglas »), et avantage les latitudes clémentes aux aménités vertes (« effet barbecue »).

On retiendra également le chapitre de A. Barczak et M. Hilal, consacré à l’accès aux commerces et aux services. Distinguant les ressources « de proximité », « intermédiaires » et « supérieures », ils démontrent, en s’appuyant sur la « base permanente des équipements » de l’Insee, que les services publics (hôpital, gendarmerie, collège, contact postal) ont gardé la majorité de leurs implantations des années 1980, alors que d’autres prestataires, non dotés d’intérêt général, ont décliné : maçon, libraire, garage, banque, magasin de vêtements, etc.

De leur côté, J. Mischi, N. Renahy et A. Diallo confirment statistiquement la surreprésentation des couches populaires (ouvriers, employés) dans les espaces ruraux, résultat d’une ségrégation spatiale due à la hausse du prix de l’immobilier qui rejette hors des villes les ménages modestes. Cette tendance concerne plus précisément les « bourgs ou pôles ruraux » (devenus les espaces les plus populaires sur l’ensemble du territoire national), les autres communes rurales comportant proportionnellement plus d’agriculteurs, d’artisans, de commerçants et chefs d’entreprises.

Bruno Hérault, Centre d’études et de prospective

Lien : Éditions Quæ