L’abeille (et le) philosophe. Étonnant voyage dans la ruche des sages. Pierre-Henri et François Tavoillot

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Plus que n’importe quel autre animal, l’abeille a intrigué et captivé les hommes. À toutes les époques, les penseurs ont cherché à comprendre le fonctionnement de la ruche, ont développé des comparaisons avec l’organisation des sociétés humaines et, plus significatif encore, ont pris cette ruche comme modèle pour améliorer nos institutions sociales et politiques. Dans cet ouvrage érudit, alerte et plein d’humour, Pierre-Henri Tavoillot (philosophe à l’université Paris-Sorbonne) et son frère François (apiculteur professionnel) retracent les grandes étapes de cette “abeille philosophe”, source inépuisable d’inspiration et d’imitation.

L’insecte butineur fut présent dans les premiers mythes, avec Aristée, Mélissa, ou la mort de la nymphe Eurydice. « Prudent », « civique », « travailleur » et « agronome », il fut très utilisé, dans l’Antiquité, pour comprendre les origines du monde et l’ordonnancement de la nature, avec des auteurs comme Aristote, Virgile, Porphyre, Platon. L’abeille se fit théologique, à l’ère chrétienne, devenant une preuve animale de l’immaculée conception et un idéal de la vie monastique. Plus près de nous, elle servit la cause libérale avec Mandeville, fut le symbole de l’empire napoléonien, avant d’être tour à tour utilisée par les défenseurs de la monarchie, de l’aristocratie, de la République, de l’anarchie (Proudhon), du mutualisme, du communisme (Bachofen, Marx). La ruche apparut aussi comme un modèle d’humanisme, le butinage étant érigé en modèle d’acquisition de savoirs diversifiés (Pétrarque, Montaigne, Nietzsche), pendant que d’autres s’enthousiasmaient pour l’abeille géomètre et architecte (Voltaire, Réaumur, Buffon, Condillac, Huber). Aujourd’hui, si elle est mieux étudiée et comprise scientifiquement, elle n’est pas pour autant dégagée des voiles symboliques ou allégoriques dont toutes les époques l’ont affublée : elle fournit aux uns des marqueurs du développement durable (pollinisation, biodiversité, services écosystémiques) et aux autres des métaphores de la révolution numérique (swarm intelligence, essaimage, réseaux participatifs).

Au terme de cet étonnant voyage dans la “ruche des sages”, on ne peut qu’être frappé par l’omniprésence de l’abeille dans tous les moments clés de la pensée occidentale, et dans tous les grands débats qui ont structuré cette pensée : homme/animal, nature/culture, corps/esprit, société/organisme, inné/acquis, etc.

Bruno Hérault, Centre d’études et de prospective

Lien : Odile Jacob